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16 Juil

L’Afrique du Sud face à l’explosion de ses colères enfouies

Des centaines de centres commerciaux et de magasins pillés, 117 morts à la date du 15 juillet, des circuits de distribution attaqués et perturbés au point de menacer d’affamer une province d’Afrique du Sud : c’est le bilan le plus visible du chaos consécutif à l’incarcération de l’ex-président Jacob Zuma, qui s’est livré à la police dans le cadre d’enquêtes sur des affaires de corruption.

Sous la surface émerge un autre bilan, alors que l’Etat reprend difficilement le contrôle de la situation après une interminable semaine de flottement. Quelque chose de fondamental est en train de se passer au pays de Nelson Mandela, dont l’esprit semble désormais bien absent. Peut-être l’idéalisme des temps qui ont suivi l’avènement de la démocratie multiraciale en 1994, porté par un ensemble de clichés dont celui de la « nation arc-en-ciel », est-il parti en fumée ces derniers jours, dans la mise à sac des centres commerciaux.

Les bases du pays, on le savait, sont fragiles. Les inégalités, parmi les plus fortes au monde, entravent l’avenir. Le chômage massif a été encore aggravé par la dévastation que la pandémie de Covid-19, dont une troisième vague frappe actuellement le pays, a infligée à tous les secteurs de l’économie, sauf les pompes funèbres. Mais la pauvreté et le désespoir n’expliquent pas tout. Sept provinces sur neuf, d’ailleurs, pourtant dans des situations comparables, n’ont pas été embrasées par les pillages dantesques des parties du pays où l’ex-président Zuma compte des partisans.

Situation intenable

Le gouvernement, le président Cyril Ramaphosa en tête, dit avoir affaire à une opération clandestine de déstabilisation à grande échelle. Voilà donc l’Afrique du Sud, le pays où la démocratie a triomphé il y a trente ans, le pays qui a fait le choix collectif de la paix et de la voie politique au moment où s’effondrait l’apartheid, menacée d’une dérive affolante.

Affolée, une partie de la population sud-africaine l’est d’ailleurs. Celle des quartiers résidentiels, dont le niveau de vie s’est considérablement amélioré au cours des trente dernières années, tandis que les plus pauvres s’enfonçaient davantage dans la misère. Cette situation, que tout le monde reconnaît volontiers en Afrique du Sud, est intenable à moyen et long terme. Mais rien n’a changé.

Ce ne sont pourtant pas les alertes qui ont manqué : depuis les années 2000, à intervalles plus ou moins réguliers, éclatent des violences dites « xénophobes », dirigées vers les communautés d’étrangers qui vivent au contact des plus modestes. Ces violences, qui ont fait plus de 500 morts, soulèvent la réprobation, mais ont aussi et surtout épargné les grands quartiers résidentiels. Aujourd’hui, pour la première fois, les habitants des « suburbs » se sentent menacés. Pas directement par les pillages, mais par le discours qui désigne les pillards comme le noyau dur des pro-Zuma.

Au sein des fidèles de l’ex-président, des populistes sont prêts à tout pour s’emparer du pouvoir ou le reconquérir. L’Afrique du Sud, pays exceptionnel, a vécu avec cette menace, cette violence, ces discours haineux, comme si tout cela ne devait jamais s’échapper du flacon des quartiers pauvres. Voilà, à présent, le mauvais génie sorti. Si le pays surmonte cette passe périlleuse, il lui faudra se réformer, profondément, étudier les moyens de redistribuer les richesses et attaquer, de front, la question de la terre, l’une des mesures qui permettraient de réparer des injustices du passé et de reconstruire un avenir commun.

Source: Lemonde.fr

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