On a créé le nouchi à la fin des années 70 dans les rues d’Abidjan, la Capitale économique de Côte d’Ivoire, un pays situé à l’ouest de l’Afrique. Ce sont les élèves qui avaient abandonné l’école qui l’ont fait. C’est pourquoi vous allez remarquer qu’il y a beaucoup de mots des langues qu’on apprend au collège et au lycée en Côte d’Ivoire : l’anglais, l’espagnol, l’allemand. Il y a aussi des mots des langues de ce pays : le dioula, le bété, le baoulé, etc., et surtout les mots qui sont fabriqués par les locuteurs eux-mêmes. Vous voyez, c’est une langue métisse, hybride.
Très rapidement le nouchi est devenu la langue secrète, l’argot des Vogos (vagabonds) : des loubards, délinquants et bandits, donc des marginaux. On les appelait les bris (brigands). Peu à peu cet argot du ghetto s’est propagé dans le milieu des élèves et des jeunes de tous les quartiers d’Abidjan.
Le mot « nouchi » tirerait son origine du manding. Ce sont les langues comme le dioula, le malinké, le bambara. Il est composé de « nou », qui veut dire "narine" et de « chi » qui signifie "poils", et donc "les poils qui débordent les narines" à l’image des enfants dénudés dans la rue, comme on le voit souvent dans beaucoup de films documentaires sur les pays d’Afrique. Donc, au début un Nouchi était assimilé à un quelqu’un qui n’est pas propre, quelqu’un qui est un peu sale quoi ! Mais, le mot « nouchi » fait aussi référence à la moustache d’un cow-boy, comme dans les films western. Pourquoi ?
Eh bien, parce que le Nouchi, c’est quelqu’un qui joue les durs, un peu comme les héros de ces films. Et je vous le dis, en ces temps-là les Nouchis fréquentaient beaucoup les cinémas ! Vous avez bien compris pourquoi ?
Le nouchi a été découvert en 1986 par les journalistes Alain Coulibaly et Bernard Ahua, qui ont été les premiers à écrire un article le 06 septembre de cette année dans le journal Fraternité Matinlà-dessus, un article qu’ils avaient intitulé « Le nouchi, un langage à la mode ». Ah oui, c’était un langage à la mode en ce moment !
À cette époque, le nouchi était un code, un argot de ces jeunes marginaux qui l’utilisaient pour parvenir à leurs fins : l’escroquérie et le vol. Au fil du temps il deviendra un phénomène (langagier) à la mode : un feeling, comme les locuteurs aimaient à le dire, pour exprimer leur façon de vivre, de renaître, de se comporter, etc. Donc, ça plaisait d’avoir ce feeling. Mais, il ne suffisait pas de connaître les mots, leurs sens, de savoir les agencer comme il le faut et de trouver l’intonation juste des phrases pour « être dans ce feeling », car les paroles s’accompagnaient (aujourd’hui encore) de gestes très importants ; très importants parce qu’ils servaient de moyen de distinction : De là, on reconnaissait un « albert » "villageois", un « gahou » "naïf" d’un « yêrê » "celui qui s’y connaissait à Abidjan". Le nouchi était aussi une technique d’expression, et surtout un moyen de persuasion. Pourquoi ?
Eh bien, parce que lorsque quelqu’un parle bien le nouchi, avec les gestes bien sûr, et qui a la démarche de quelqu’un qui se fait confiance, il était très respecté. Un Nouchi, c’était quelqu’un qui était sûr de lui, quelqu’un qui est capable de se défendre et de défendre les autres aussi, comme les maîtres du karaté. Ah, en ce moment-là aussi les films chinois faisaient feu à Abidjan ! C’est pourquoi les Nouchis portent des surnoms, et souvent des noms chinois. Les karatekas chinois étaient leurs modèles parce qu’ils savaient se battre et défendre les faibles dans ces films, en tout cas les gentils karatekas.
À cette époque-là aussi, le reggae faisait feu ! Il faut penser à Bob Marley, à U-Roy, à Burning Spear, Yellow Man etc. Or, on les voyait souvent avec de gros cigares, fumer à grandes bouffées. Le nouchi, pour passer un temps de bonheur, de joie comme les Rastas, a commencé à fumer aussi. Donc, l’univers des Nouchis, c’était un lieu chaud !
Alors, le langage nouchi à commencer à séduire ! Ça devenait de moins en moins un parler argotique. D’abord, il était devenu très courant dans tous les bidonvilles d’Abidjan. C’était la langue du ghetto ! Et, de plus en plus il est parlé par les jeunes des grandes villes du pays, sans oublier les lycéens et collégiens abidjanais, comme je l’ai dit. De nos jours le nouchi est utilisé comme une langue à part entière, dans laquelle les jeunes ivoiriens se retrouvent, faute de langue ivoirienne imposante : faute de langue nationale officielle. Une langue qui les identifie !
Les mots et expressions du nouchi se retrouvent un peu partout dans les conversations des gens de diverses classes sociales. Dans les musiques ivoiriennes, l’usage de ce parler est fréquent. Citons quelques-uns d’entre eux comme les reggaemen : la grande star Alpha Blondy, Ismael Isaac, Serges Kassi, Tiken Djah, etc. Quant aux chanteurs du zouglou(danse et musique des jeunes ivoiriens), citons pêle-mêle : Petit Yodé & L’enfant Siro, Petit Denis, le groupe Magic Système, et aujourd’hui le groupe Garba-50, Nash et Billy Billy qui font le rap en nouchi, un peu comme le groupe RAS. Ce n’est pas tout. Le nouchi est aussi présent dans le coupé-décalé, la dernière danse des jeunes Ivoiriens, créée par leurs pairs émigrés. Il ne faut pas oublier qu’il est utilisé dans des émissions de radio ou de télévision, par des acteurs et humoristes comme Adama Dahico. Même les personnalités politiques ivoiriennes n’y sont pas indifférentes. Pour preuve, l’ancien chef d’Etat Konan Bédié est tombé fan de ça(il en a été séduit). Car le samedi 29 Août 2009 à Treichville, un quartier d’Abidjan, il faisait son discours en nouchi !
Les termes du nouchi dépassent même les frontières ivoiriennes ; ils sont de plus en plus pratiqués dans la sous sous-région ouest-africaine.
Le nouchi permet aux Ivoiriens exilés en Europe de s’identifier. Il sert souvent de langue de communication dans les conversations de ces Ivoiriens immigrés.
Aujourd’hui, d’après le professeur Jérémie Kouadio, le nouchi est devenu la première langue des jeunes âgés de 10 à 30 ans. Vous voyez que ça devient serieux?!
Puisque le nouchi devient une langue de communication très aimée, ce serait une bonne idée de pouvoir l’écrire, comme ça on pourrait se transmettre des messages en vrai nouchi. C’est d’ailleurs pourquoi une écriture a été développée pour cette langue. N’oubliez pas qu’aujourdui on utilise beaucoup les courriers électroniques, les SMS pour communiquer. Et si on utilisait cette écriture ?